dimanche 14 février 2016

3 problèmes avec Retour vers le futur

Le 30 octobre 2015 on a fêté en grande pompe les 30 ans du film Retour vers le futur qui a suffisamment marqué le public de l'époque pour donner lieu à 2 suites, lancer la carrière de Michael J. Fox et le doter d'un capital sympathie jamais démenti et faire partie d'une culture populaire commune pleine de références plus ou moins conscientes. Au milieu des célébrations, souvenirs, anecdotes, répliques, les réseaux sociaux ont bruissé un temps de colère contre la critique de Libération de l'époque qui ne voyait dans ce film qu'un navet. Or sans forcément emboîter le pas à cette critique qui reprochait entre autres au film de ne pas aller au bout d'un thème subversif seulement effleuré, celui de l'attirance incestueuse de la mère pour son fils, la re-vision du film un peu avant m'a fait sauter aux yeux au moins 3 gros problèmes:

1/ Les placements produits sont omniprésents. À la revoyure ils m'ont vraiment gênée, il y en a au moins un par scène et quasiment un par plan. Je pense qu'en 1985 le public était relativement "naïf" par rapport à cette pratique pour ne pas la voir ou ne pas en prendre ombrage, mais aujourd'hui on n'accepterait plus aussi facilement de se faire refiler de la pub déguisée pour Calvin Klein ou All Stars tout le long du métrage. Sans compter que l'intrigue est suffisamment légère pour finir par ne devenir qu'un prétexte au profit de ces multiples réclames ;

2/ Le film réalise l'un des white-washings dont rêvent les étasuniens blancs: c'est enfin un blanc qui invente le rock'n'roll! Finie la culpabilité due au fait qu'une musique issue des chants des esclaves, mise au point par des musicien.ne.s noir.e.s, ait été récupérée et fort lucrativement par les blancs. Le film remet les choses à l'endroit en donnant la paternité du rock à Michael J. Fox. Et en plus la scène est trop cool, donc ça passe crème.

3/ Le film repose sur l'idée qu'un souffre-douleur dans sa jeunesse sera un raté dans sa vie adulte. Michael J. Fox va dans le passé, et rend à son père sa dignité en l'aidant à casser la gueule à son tortionnaire du lycée. De retour dans le présent, c'est le tortionnaire qui est devenu le larbin du père.
Cette intrigue repose sur l'idée simpliste qu'il y a deux camps: les forts et les faibles. Le faible ne peut devenir fort qu'à la condition de retourner la violence contre le fort, qui deviendra alors faible.

Cette idée est hyper répandue comme en témoigne la dramatisation (médiatisation de faits divers dramatiques) autour du harcèlement scolaire. Attention, je ne dis pas que le harcèlement n'est pas une épreuve extrêmement violente pour celui.celle qui en est victime, et que les victimes n'en restent pas durablement marquées. Je dis en revanche que l'équation simpliste harcelé.e enfant=>adulte brisé est fausse et ne se vérifie pas. De nombreuses personnalités ont été victimes de harcèlement scolaire, ce qui ne les a nullement empêchés de devenir des stars ou des champions.

Les parents ont très souvent peur que leurs enfants soient les faibles de la cour de récré ; et beaucoup les incitent à "ne pas se laisser faire", ce qui n'est rien d'autre que de leur dire de répondre à la violence par la violence. Cela se comprend dans le contexte mais entérine l'idée que c'est le plus violent qui gagne. Le message de Retour vers le futur est bien qu'il faut écraser les autres pour ne pas se faire écraser, puisque le père ne se contente pas de se débarrasser de Biff mais l'humilie comme lui-même l'a été. Cette humiliation n'est rien d'autre qu'un ressort comique: la violence sociale est valorisée et justifiée par le comportement autrefois inacceptable de Biff.

Ayant pointé ces 3 problèmes je signale néanmoins d'une part que je n'ai même pas parlé du sexisme crasse du film ; et que tous ses défauts ne m'empêchent pas de l'apprécier, comme tout le monde: marque du savoir-faire cinématographique ou du lavage de cerveau hollywoodien sur le reste du monde? L'énigme demeure entière.

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